vendredi 11 octobre 2013

mon cher patrice




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Mon cher Patrice,

j'ai pour habitude de ne pas aller aux enterrements , mais dans le même temps d'écrire une lettre à ceux qui sont partis il me revient tant de souvenirs de toi.

Lorsque à ta demande nous avons cessé de travailler ensemble à Nanterre, je t'ai écrit une lettre après la première de "La fausse suivante" pour te remercier des 13 années de compagnonnage que nous venions de passer ensemble , j'avais glissé le mot sous la porte de ton bureau et  tu m'as poursuivi furieux dans les couloirs en me demandant ce que voulait dire cette lettre de rupture, et puis on a parlé et tu m'as dit ou écrit je ne sais plus que alors que je venais passer toutes ces  années à faire du son avec toi que ce qui te manquerait le plus de moi ce serait mon regard , et j'en ai été tres fier et tres heureux. A mon tour de te dire aujourd'hui que ce qui me manquera le plus de toi , c'est la douceur de ton sourire. C'est pourquoi j'ai choisi cette photo de toi.

Je pense que lorsque tu es arrivé au TNP comme directeur, une des premières décisions que tu as pris, c'est de me garder auprès de toi alors que j'étais sur le point d'être viré. Tu répètais Toller je crois, je suis revenu de l'administration ou j'avais été convoqué , et je me souviens que du bord du plateau tu m'as dit :" moi je veux te garder près de moi" et tu l'as fait.
Et puis il y a eu cette fameuse "Dispute" sur laquelle en travaillant aupres de toi c'est la première fois ou j'ai eu l'impression de travailler sur un chef d'oeuvre.

  
Les tournées dans le monde entier avec mon copain Gérard, et tant de choses que d'autres raconteront sans doute mieux que moi. Je t'ai suivi a Nanterre bien sur, j'ai rencontré Koltes, Genet, j'ai sonorisé les nuits arabes et c'est à la fin d'un concert que Genêt m'a dit cette si jolie critique :" vous apprendrez , Monsieur , que le Oud ne se sonorise pas , mais qu'il s'écoute doucement en tenant la main d'un bon copain"

Tout cela , toutes ces joies je te les dois.
J'ai aussi bien sur les souvenirs des premières générales du Ring à Bayreuth ou tu nous avais si gentiment invité Gérard et moi et ou parce que nous étions fauchés nous étions allés en 2CV et où nous campions dans les bois autour du théâtre. Et puis de ton arrivée au TNP ( tout cela est un peu dans le désordre ) ou ta voracité à manger le pot au feu que Jacqueline te préparait à la maison impressionnait mes filles qui te laissaient sur la table de la cuisine des dessins .
Enfin , ces deux derniers opéras a Aix , alors que je doutais tellement du théâtre qui m'ont réconforté. et ce dernier petit baiser vite fait a Aix cet été apres ce bouleversant Elektra que je voulais voir absolument parce que je pensais bien que je n'en verrais pas d'autres.
Avec ton départ, Patrice , pour moi la vie  ne sera plus comme avant. J'ai fait cette belle carrière de son au théâtre surtout grâce a toi, et maintenant je ne veux plus en faire , voila tu n'avais qu'à rester encore un peu avec nous.
Je suis un provincial, et je ne suis jamais allé au Père Lachaise , alors je te promets qu'un de ces jours ce sera encore une première j'irai te dire au revoir pour de bon. 

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